SensOcean

Né de la rencontre entre sciences humaines et sociales et océanographie, SensOcean cherche à comprendre la mobilisation citoyenne pour la protection des océans.

Illustration Phare St Mathieu

Comprendre l’engagement citoyen

Avec Adélie Pomade, enseignante-chercheuse en droit au laboratoire Amure et porteuse du projet SensOcean, et Esther Regnier, enseignante-chercheuse en économie à Amure.

Comment est né le projet SensOcean ?

Adélie Pomade : SensOcean désigne à la fois un programme de science participative porté par une association, et un projet de recherche financé par ISblue.
Avec le programme de science participative, l’association équipe des navigateurs bénévoles avec des capteurs low cost pour mesurer la salinité de l’océan. Le projet de recherche y ajoute des questionnements scientifiques en sciences humaines et sociales et en océanographie.
Aujourd’hui, le projet SensOcean réunis 2 partenaires scientifiques, le laboratoire de droit et économie de la mer AMURE et le laboratoire d’océanographie physique et spatiale LOPS, l’UBO Open Factory et l’association Astrolabe Expédition, qui est à l’origine du programme de science participative.

Comment s’articule le travail entre sciences humaines et sociales et océanographie ?

Esther Regnier : En fait, les sciences citoyennes mises en place par les océanographes sont un objet d’étude pour les sciences humaines et sociales (SHS). C’est-à-dire que le fait que les océanographes mobilisent des citoyens pour tester des capteurs de salinité, est investigué sous l’angle des sciences humaines. L’objectif est de répondre à un questionnement sociétal sur l’engagement des citoyens dans les sciences participatives. Les deux sciences s’alimentent dans ce sens-là.

A.P : Ici, les travaux s’articulent en prenant comme point central le citoyen et sa participation au programme, c’est ce qui fait l’originalité du projet de recherche.
Il y a une harmonie entre SHS et océanographie. Les méthodologies déployées par les chercheurs vont non seulement s’ajuster aux différents temps du programme (confection des capteurs, expérimentations, améliorations…), mais vont aussi s’ajuster les unes aux autres pour que le citoyen ne se rende pas compte qu’il est au cœur d’une réflexion scientifique dense : pour lui, ça doit être naturel qu’on lui pose des questions pendant les différentes phases.

Pourquoi s'intéresser à l'engagement citoyen ? Quels sont les enjeux ?

E.R : Le point de départ du projet de recherche ce sont des discussions avec plusieurs associations, qui mobilisent des citoyens, dans le cadre de sciences participatives par exemple. Lors de ces échanges, plusieurs questions ont été soulevées : pourquoi les citoyens s’engagent dans des programmes de sciences participatives ? pourquoi certains citoyens poursuivent leur engagement et d’autres non ?
Finalement, la question centrale est celle de la mobilisation des citoyens et de ses leviers.
Pour que la science participative se développe et soit vecteur de nouvelles connaissances scientifiques, mais aussi d’implication citoyenne dans la science, il faut comprendre ce que le citoyen attend : c’est un moyen de le valoriser et de reconnaître sa place dans la recherche.

Plusieurs enjeux découlent de ces questions : l’implication des citoyens dans la science par les programmes de sciences participatives ; donner confiance aux citoyens dans la démarche et les questionnements scientifiques ; faire circuler et co-construire du savoir entre les scientifiques et les citoyens ; donner l’opportunité aux citoyens de participer à l’élaboration de solutions environnementales pour les rendre acteur de leur territoire.

A.P : Plus précisément dans le cadre de SensOcéan, on a l’occasion d’explorer au plus près l’engagement citoyen sur le temps long, à partir d’un cas concret. Ici, on peut étudier la mobilisation des citoyens pendant tout le processus et avec ses variables : est-ce que l’engagement va tenir même si les citoyens sont plus sollicités que prévu ? C’est à ce moment qu’on peut apprécier les freins de l’engagement et voir comment on peut dépasser ces limites.

Pourquoi avoir choisi le domaine de la mer pour étudier l’engagement citoyen ?

A.P : Actuellement, 70% des programmes de sciences participatives concernent le domaine terrestre, et 30% seulement sur la mer. Même si ces programmes ont tendance à se développer, on a toujours un décalage. Pourtant, comme l’a dit Esther, c’est très important que les citoyens soient impliqués dans la gestion des territoires et notamment des espaces côtiers. SensOcean permet de replacer le citoyen dans la vie publique à l’échelle locale.

E.R : Tout à fait, les programmes de sciences participatives peuvent susciter, chez les citoyens, l’envie de participer à la gestion ou l’amener à s’exprimer sur des enjeux qui touchent son environnement.
Par ailleurs, nous nous sommes concentrées sur les questions en lien avec les milieux marins parce que, c’est aussi notre problématique de recherche principale à toutes les deux. On se demande aussi comment impliquer le citoyen dans nos travaux et dans les enjeux scientifiques qu’on étudie.

Quel est votre objectif final avec ce projet de recherche en sciences humaines et sociales ?

E.R : D’une part, aider les associations à aller plus loin dans la connaissance et la compréhension des citoyens qui travaillent avec eux, mais aussi déterminer des profils de bénévoles et comprendre leurs attentes. L’objectif final est de mieux calibrer les programmes de sciences participatives et ainsi susciter d’avantage d’engagement.
Et d’autre part, nous nous intéressons au moteur de la pérennité des sciences participatives. Pour cela, il faut comprendre les mécanismes à la base de la démarche du citoyen, et d’un point de vue sociologique, comprendre quel type de population est intéressé par ces programmes et pourquoi.
SensOcean va donc servir à la fois aux scientifiques et aux associations, en prenant en compte les besoins des citoyens pour contribuer de manière inclusive aux sciences participatives.

A.P : À travers SensOcean et la recherche sur l’engagement citoyen dans les sciences participatives, je dirais que l’objectif est aussi de produire une cartographie des facteurs d’engagement et de désengagement. Ce paysage de la mobilisation citoyenne pourra faciliter la mise en place de programme de sciences participatives pérennes, que ce soit par les associations ou dans le cadre de programme de recherche.

Vous avez déjà participé à un programme de sciences participatives ?

Adélie Pomade et Esther Regnier ont besoin de vous pour poursuivre leur étude sur l’engagement citoyen.

Connaître les sciences participatives

Les sciences participatives sont des formes de production de connaissances scientifiques impliquant des volontaires non professionnels. Il existe une grande diversité de programme de science participative, dans tous les domaines (environnement, santé, astronomie, océanographie…) et mis en place par différents organismes (association, université et organisme de recherche, établissement public…). Le plus souvent, les participants sont invités à réaliser une action ponctuelle en suivant un protocole défini, mais l’implication des bénévoles peut prendre différentes formes.

SensOcean est un programme de science participative basé sur la mobilisation de navigateurs pour l’étude du climat. Dans ce cadre, l’engagement des bénévoles va au-delà de la simple observation. Les navigateurs sont pleinement impliqués dans un processus de co-construction, depuis la conception des outils jusqu’à l’analyse des données qu’ils auront eux-mêmes récoltées. Les navires vont ainsi devenir de véritables plateformes de recherche en mer capable de démultiplier le nombre de données scientifiques collectées sur l’océan.

illustration voilier pour SensOcean, blanc

Scientifiques et citoyens au service des océans

SensOcean est un programme de science participative : des scientifiques et des navigateurs collaborent pour l’étude des courants marins et du climat.

Une étape clé de la collaboration entre chercheurs et navigateurs est l’installation du kit SensOcean à bord des navires. En octobre 2021, Cédric Courson, est venu équiper le voilier de Charlotte Nirma, avant son départ en transat à travers l’Atlantique.

Comment les navigateurs s'approprient le kit SensOcean ?

8 min. 13

SensOcean - installation du boîtier ©Mathieu Le Gall
SensOcean - installation du boîtier ©Mathieu Le Gall
SensOcean - ©Mathieu Le Gall
SensOcean - boîtier fixé sur le bateau ©Mathieu Le Gall
SensOcean - ©Mathieu Le Gall
SensOcean - boîtier fixé sur le bateau ©Mathieu Le Gall

Opérationnel depuis juin 2021, le kit SensOcean a déjà voyagé jusqu’en Islande ! Benjamin Le Botland revient sur son expérience à bord du North About et sur sa participation au projet.

Low tech, low cost, open source : une technologie unique

L’une des innovations majeures portées par le programme SensOcean est la conception d’instruments océanographiques pouvant être reproduits et diffusés largement. Pour répondre à ces objectifs, un partenariat s’est créé avec l’UBO Open Factory, laboratoire d’innovation multidisciplinaire de Brest. Inspiré du modèle des FabLab, l’UBO Open Factory met à disposition ses locaux et outils, mais surtout ses compétences et expertises pour la création des capteurs SensOcean et la diffusion du programme de science participative.

Suivez le parcours des données

La salinité de l’océan relevée par les navigateurs est une donnée précieuse pour les scientifiques. Explications avec Pascal Lazure, physicien à l’Ifremer et membre du laboratoire LOPS.

Le projet de recherche SensOcean a été soutenu par le projet ISblue « Interdisciplinary graduate school for the blue planet » co-financé par une aide de l’Etat gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme « Investissements d’avenir »  portant la référence ANR-17-EURE-0015.

Le programme de science participative SensOcean est né de la collaboration entre l’association Astrolabe Expeditions et le laboratoire de recherche LOCEAN (UMR 7159), toujours très impliqué dans la démarche.